Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/222

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— Marie… Est-ce vrai que tu aimes le petit bossu ?

— Oui… fit-elle… je l’aime…

À cette question qu’elle ne devait pas attendre de moi, elle n’avait pas eu la moindre secousse, marqué le plus léger étonnement… Cela m’irrita profondément…

— Je ne te demande pas si tu aimes le petit bossu… je te demande si tu es sa maîtresse… Comprends-tu ? Ce n’est pas la même chose…

Marie hésita un instant, puis, avec des regards méchants, elle me dit :

— Oui… je suis sa maîtresse…

— Ce n’est pas vrai, criai-je… tu mens !…

Et je me mis à rire, d’un rire pénible, qui ressemblait plutôt à un grognement.

— Ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas vrai !… C’est pour me taquiner que tu dis cela…

Sans rien répondre, elle avait déposé son panier sur une table de la pièce où nous étions, et, les poings sur les hanches, dans une attitude de menace ou de défense, elle fixait sur moi des yeux ironiques, agressifs et sans peur… Le soleil qui entrait par les fenêtres ouvertes faisait reluire sa chevelure comme un bloc d’or. Et, en ce moment, je la désirais comme jamais encore je ne l’avais désirée… J’étais devenu pâle ; le sang affluait dans mon cœur, comme