Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/253

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— Je ne peux pas ! Je ne peux pas ! Je ne peux pas !…

Le lendemain, je la trouvai, sur la route, à l’endroit où je lui avais donné rendez-vous. Depuis une heure, elle m’attendait… Elle avait mis sa plus belle robe : une chemisette rose avec une pauvre petite dentelle, d’un dessin grossier. Un grand chapeau de paille, où s’écrasaient des éboulis de roses, la coiffait.

— Marchons, Marie.

Il faisait une journée très chaude. De gros nuages d’un bleu noir passaient de temps en temps dans le ciel. Et sous le ciel d’orage, la route était toute blanche, agressivement, cruellement blanche.

Nous marchâmes côte à côte, sans nous dire un mot. Marie ne s’intéressait à rien sur la route, ni aux fleurs des talus, ni aux insectes qui bourdonnaient dans la haie, ni aux oiseaux que l’orage surexcitait, ni au feuillage des arbres, étrangement vert sur le fond bleu sombre du ciel. Elle marchait droite, la tête presque immobile, d’un pas saccadé de somnambule. Et le vent, qui, parfois, soufflait d’un nuage vite disparu, soulevait les grandes ailes du chapeau…