Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/259

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trou… Si tu veux l’entendre, penche-toi vers le trou…

Je la saisis par le bras, violemment, et je l’entraînai vers l’abîme…

IX

Je l’entraînai vers l’abîme…

Et alors, tout d’un coup, j’eus la révélation véritable et très nette des sentiments latents, encore obscurs, que m’inspirait Marie, et des prochains et immenses et intolérables dégoûts dont, par elle, j’allais avoir l’âme toute remplie. Le moment me paraissait arrivé où je ne pourrais plus supporter son visage, son corps, ses baisers, son âme et tout ce que son amour pour moi avait de résignation servile, de passivité hantée, tout ce qu’il avait de sacrifié, d’agenouillé, d’effondré. Ah ! Dieu, non ! jamais plus, jamais plus ! Ces baisers, déjà, après l’acte accompli, après la chair assouvie, ces baisers stupides, ces agaçantes lèvres cherchant mes lèvres, ce corps cherchant mon corps, comme tout cela m’était odieux ! Qu’est-ce que cela serait donc dans quelques mois, dans quelques jours ?

Marie était près de moi. Elle attendait, les