Page:Mirbeau - La Vache tachetée.djvu/26

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Roses me hantait ; il me semblait que les pins, les chênes verts et les rosiers tournaient, tournaient avec des mouvements de mazurka.

Mais je n’ai pas loué la villa des Glaïeuls. Ma maison, rustique et sans piano, s’adosse au bois ; une allée quadrangulaire de chênes géants en délimite l’enclos. Le jardin herbu est plein de fleurs, les arbres fruitiers ploient jusqu’à terre leurs branches chargées de la bonne moisson automnale. Le mimosa, le grenadier, l’eucalyptus et le laurier-rose y poussent aussi forts, aussi parfumés, que sous les ciels du Midi. Entre les ramures des chênes, j’aperçois, devant moi, une plaine que paissent les troupeaux de vaches et les petits ânes vagabonds et gais, une plaine que ferme Noirmoutiers avec le clocher blanc de son église, et les tours de son vieux château. Puis ce sont des fermes aux murs éclatants, peints à la chaux, aux toits plats et roses, puis des moulins à vent qui tournent ; dans le ciel, leurs croix démentes. À gauche, encore une plaine, d’une admirable mélancolie, semée de burges de sels. Des bras de mer s’y enfoncent, l’enlacent, l’étouffent de leur irrésistible étreinte. Et par delà une large bande de terre, au loin, le grand large, sombre, terrible, mystérieux, qui semble descendre sur nous au galop de ses vagues chevauchantes.

Le soir, pas d’autres bruits que le grince-