Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/104

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éventrait les études à coups de pied, je crus qu’il devenait fou. Ses yeux, injectés de sang, s’égaraient ; il était tout pâle et les mots sortaient, grinçants, par saccades, de sa bouche qui se contracta.

— Être nés de la femme, des hommes !… quelle folie ! Des hommes, s’être façonnés dans ce ventre impur !… Des hommes, s’être gorgés des vices de la femme, de ses nervosités imbéciles, de ses appétits féroces, avoir aspiré le suc de la vie à ses mamelles scélérates !… La mère !… Ah ! oui, la mère !… La mère divinisée, n’est-ce pas ?… La mère qui nous fait cette race de malades et d’épuisés que nous sommes, qui étouffe l’homme dans l’enfant, et nous jette sans ongles, sans dents, brutes et domptés, sur le canapé de la maîtresse et le lit de l’épouse…

Lirat s’arrêta un instant ; il suffoquait. Puis, rassemblant ses mains et nouant ses doigts crispés, dans l’espace, autour d’un cou imaginaire, follement, terriblement, il cria :

— Voilà ce qu’on devrait leur faire, à toutes, à toutes… Comprenez-vous ?… hein… dites !… à toutes.

Et il recommença à marcher, de long en large, jurant, frappant du pied. Mais ce dernier cri de colère l’avait visiblement soulagé.

— Voyons, mon bon Lirat, lui dis-je, calmez-vous… Que c’est bête de vous faire du mal, et à propos de quoi, je vous prie ?… Voyons, vous n’êtes pas une femme…

— C’est vrai, aussi, vous m’avez agacé avec cette