Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/161

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Dans la crainte que ces combinaisons n’agréassent point à Juliette, je n’osais les lui dévoiler trop brusquement ; mais, aux premiers mots que j’en dis, elle exulta.

— Oui, oui ! s’écria-t-elle joyeuse… J’y avais songé, mon chéri. Et puis, sais-tu à quoi j’ai songé encore ?… Dis-le, dis-le vite, à quoi ta petite femme a songé ?

Elle appuya ses deux mains sur mes épaules, et souriante :

— Tu ne sais pas ?… Vrai, tu ne sais pas ?… Eh bien ! elle a songé que tu viendrais habiter avec elle… Oh ! ce serait si gentil, un joli petit appartement, où nous serions, tous deux, bien seuls, à nous aimer, dis, mon Jean ?… Toi, tu travaillerais ; moi, pendant ce temps-là, près de toi, sans bouger, je ferais de la tapisserie et, de temps en temps, je t’embrasserais, pour te donner de belles idées… Tu verras, mon chéri, si je suis une bonne femme de ménage, si je soignerai bien toutes tes petites affaires… D’abord, c’est moi qui rangerai ton bureau. Tous les matins tu y trouveras une fleur nouvelle… Et puis, Spy aura aussi une belle niche… pas, mon Spy ?… une belle niniche, toute neuve, avec des pompons rouges… Et puis, nous ne sortirons pas, presque jamais… et puis, nous nous coucherons de bonne heure… Et puis, et puis… Oh ! comme ça sera bon !

Redevenant sérieuse, elle dit, d’une voix plus grave :

— Sans compter que ça sera bien moins cher, la moitié moins cher, juste !