Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/27

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et tout tremblant, comme si j’avais vu quelque chose de terrible, je me cachai la tête dans le tablier de ma bonne.

— Qu’y a-t-il donc ? interrogea vivement ma mère.

— Je ne sais pas, répondit la vieille Marie… on dirait que M. Jean a peur d’un pavé.

Elle me ramena à l’endroit même où ma figure avait si subitement changé d’expression… Mais, à la vue du pavé, je criai de nouveau ; tout mon corps frissonna.

— Il y a quelque chose, s’écria ma mère… Marie, vite, vite, mon linge… Mon Dieu ! qu’a-t-il vu ?

Sortie du bain, elle ne voulut pas attendre qu’on l’essuyât, et, à peine couverte de son peignoir, elle se baissa sur le carreau, l’examina.

— C’est singulier, murmura-t-elle. Et pourtant il a vu !… mais quoi ?… Il n’y a rien.

Elle me prit dans ses bras, me berça. Maintenant, je souriais, bégayais de vagues syllabes, jouais avec les cordons du peignoir… Elle me mit à terre… Marchant de mon pas raide et chancelant, les deux bras en avant, je ronronnais comme un jeune chat. Aucun des pavés devant lesquels je m’arrêtai ne me causa le moindre effroi. Arrivé devant le pavé fatal, ma figure encore exprima la terreur et, tout agité, tout pleurant, je me retournai brusquement vers ma mère.

— Je vous dis qu’il y a quelque chose, s’écria-t-elle… Appelez Félix… qu’il vienne avec des outils, un marteau… vite, vite… Prévenez Monsieur aussi…

— C’est tout de même bien curieux, affirmait Marie