Page:Mirbeau - Le Calvaire.djvu/318

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— Tout à l’heure elle sera là !

Et j’attendis, marchant fiévreusement sur le trottoir, répétant à haute voix, pour me rassurer :

— Tout à l’heure elle sera là !

J’attendis… Personne !… J’attendis encore… Personne !… Le temps fuyait… Personne toujours !

— La misérable !… Et elle souriait !… Et son visage était gai !… Et elle savait que je devais me tuer à six heures !

Je courus rue de Balzac… Célestine m’assura que Madame venait de sortir.

— Écoutez-moi, Célestine… vous êtes une brave fille… Je vous aime bien… Vous savez où elle est ?… Allez la trouver, et dites-lui que je veux la voir.

— Mais je ne sais pas où est Madame.

— Si, Célestine, si, vous le savez… Je vous en supplie… Allez ! Je souffre trop !

— Parole d’honneur !… Monsieur, je ne sais pas.

J’insistai.

— Elle est peut-être chez son amant ?… au restaurant ?… Oh ! dites-le moi !

— Puisque je ne sais pas !

L’impatience me gagnait.

— Célestine… je vous dis des choses gentilles… Ne m’irritez pas… parce que…

Célestine se croisa les bras, balança la tête, et d’une voix traînante de voyou :

— Parce que quoi ?… Ah ! vous commencez par m’embêter, espèce de panné !… Et si vous ne décanillez