Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/101

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— Comme vous me dites cela !… Est-ce que vous êtes fou ?… Qu’avez-vous donc ?… fit Clara, étonnée du son de ma voix et de l’étrange incohérence de mes gestes.

— Je ne sais pas… je ne sais pas… je ne sais pas !…

Et pour faire entrer plus de force de conviction dans ce triple « Je ne sais pas ! », je frappai trois fois, violemment, sur le bastingage.

— Comment, vous ne savez pas ?… Un savant… un naturaliste ?…

— Je ne suis pas un savant, miss Clara… Je ne suis pas un naturaliste… je ne suis rien, criai-je… Un misérable… oui… je suis un misérable !… Je vous ai menti… odieusement menti… Il faut que vous connaissiez l’homme que je suis… Écoutez-moi…

Haletant, désordonné, je racontai ma vie… Eugène Mortain, Mme G…, l’imposture de ma mission, toutes mes malpropretés, toutes mes boues… Je prenais une joie atroce à m’accuser, à me rendre plus vil, plus déclassé, plus noir encore que je ne l’étais… Quand j’eus terminé ce douloureux récit, je dis à mon amie, dans un torrent de larmes :

— Maintenant, c’est fini !… vous allez me