Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/118

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pris au sérieux ma mission d’embryologiste, me ramena vite aux réalités de ma situation… Comment !… la chance, le miracle voulait que je rencontrasse une femme divinement belle, riche, exceptionnelle, et que j’aimais, et qui m’aimait, et qui m’offrait une vie extraordinaire, des jouissances à foison, des sensations uniques, des aventures libertines, une protection fastueuse… le salut, enfin… et, plus que le salut… la joie !… Et je laisserais échapper tout cela !… Une fois de plus, le démon de la perversité — ce stupide démon à qui, pour lui avoir stupidement obéi, je devais tous mes malheurs — interviendrait encore pour me conseiller une résistance hypocrite contre un événement inespéré, qui tenait des contes de fées, qui ne se retrouverait jamais plus, et dont je souhaitais ardemment, au fond de moi-même qu’il se réalisât ?… Non… non !… C’était trop bête, à la fin !

— Vous avez raison, dis-je à Clara, en mettant sur le seul compte de la défaite amoureuse une soumission qui contentait aussi tous mes instincts de paresse et de débauche, vous avez raison… Je ne serais pas digne de vos yeux, de votre bouche, de