Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/136

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raient au cœur pâmé des roses, et, par la porte ouverte, du côté du nord, nous voyions se lever d’un bassin, autour duquel dormaient des cigognes dans une ombre molle et toute mauve, les longues tiges des iris jaunes, flammés de pourpre.

Tout à coup, Clara me demanda :

— Voulez-vous que nous allions donner à manger aux forçats chinois ?… C’est très curieux… très amusant… C’est même la seule distraction vraiment originale et élégante que nous ayons, dans ce coin perdu de la Chine… voulez-vous, petit amour ?…

Je me sentais fatigué, la tête lourde, tout mon être envahi par la fièvre de cet effrayant climat… De plus, le récit de la mort d’Annie m’avait bouleversé l’âme… Et, la chaleur, au-dehors, était mortelle comme un poison…

— J’ignore ce que vous me demandez, chère Clara… mais je ne suis pas remis de ce long voyage à travers les plaines et les plaines… les forêts et les forêts… Et ce soleil… je le redoute plus que la mort !… Et puis, j’aurais tant voulu être tout à vous… et que vous fussiez tout à moi, aujourd’hui…