Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/149

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Clara marchait vite, sans pitié pour ma fatigue, sans souci du soleil qui embrasait l’atmosphère et, malgré nos parasols, nous brûlait la peau ; elle marchait libre, souple, hardie, heureuse. Parfois, sur un ton de reproche enjoué, elle me disait :

— Que vous êtes lent, chéri… Dieu que vous êtes lent !… Vous n’avancez pas… Pourvu que les portes du bagne ne soient pas ouvertes quand nous arriverons et que les forçats ne soient pas gavés !… Ce serait affreux !… Oh ! comme je vous détesterais !

De temps en temps, elle me donnait des pastilles d’hamamélis, dont la vertu est d’activer la respiration, et, les yeux moqueurs :

— Oh ! petite femme !… petite femme… petite femme de rien du tout !

Puis, moitié rieuse, moitié fâchée, elle se mettait à courir… Et j’avais beaucoup de peine à la suivre… Plusieurs fois, je dus m’arrêter et reprendre haleine. Il me semblait que mes veines se rompaient, que mon cœur éclatait dans ma poitrine.

Et Clara répétait, de sa voix gazouilleuse :

— Petite femme !… Petite femme de rien du tout !