Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/152

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forêts et les plaines, vous fait songer, sans cesse, à la pourriture et à la mort.

De petites boutiques imitant les pagodes, des tentes en forme de kiosque, drapées d’étoffes claires et soyeuses, d’immenses parasols, plantés sur des chariots et des éventaires roulants, se pressent les uns contre les autres. Dans ces boutiques, sous ces tentes et ces parasols, de gros marchands, à ventre d’hippopotame, vêtus de robes jaunes, bleues, vertes, hurlant et tapant sur des gongs, pour attirer les clients, débitent des charognes de toute sorte : rats morts, chiens noyés, quartiers de cerfs et de chevaux, purulentes volailles, entassés, pêle-mêle, dans de larges bassines de bronze.

— Ici… ici… par ici !… venez par ici !… Et regardez !… et choisissez !… Nulle part vous n’en trouverez de meilleure… Il n’y en a pas de plus corrompue.

Et, fouillant dans les bassines, ils brandissent, comme des drapeaux, au bout de longs crochets de fer, d’ignobles quartiers de viande sanieuse, et, avec d’atroces grimaces qu’accentuent les rouges balafres de leurs visages peints ainsi que des masques, ils répètent parmi le retentissement enragé