Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/165

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était rouge, le soldat fouettait l’homme à tour de bras, sur les reins… La badine faisait : chuitt ! dans l’air… et elle pénétrait, très avant, dans les muscles qui grésillaient et d’où s’élevait une petite vapeur roussâtre… comprends-tu ?… Alors, le soldat laissait refroidir la badine dans les chairs qui se boursouflaient et se refermaient… puis, lorsqu’elle était froide, il l’arrachait violemment, d’un seul coup… avec de menus lambeaux saignants… Et l’homme poussait d’affreux cris de douleur… Puis le soldat recommençait… Il recommença quinze fois !… Et à moi, aussi, chère petite âme, il me semblait que la badine entrait, à chaque coup, dans mes reins… C’était atroce et très doux !

Comme je me taisais :

— C’était atroce et très doux, répéta-t-elle… Et si tu savais comme il était beau, cet homme… comme il était fort !… Des muscles pareils à ceux des statues… Embrasse-moi, cher amour… embrasse-moi donc !

Les prunelles de Clara s’étaient révulsées. Entre ses paupières mi-closes, je ne voyais plus que le blanc de ses yeux… Elle dit encore :