Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/218

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Avec une moue, qui était comique et tragique, tout ensemble, elle dit encore :

— Pourquoi aussi t’es-tu attardé là-bas, sur ce banc ?… Et toutes ces fleurs !… Ne les regarde pas… ne les regarde plus… Tu les verras mieux après… après avoir vu souffrir, après avoir vu mourir. Tu verras comme elles sont plus belles, quelle ardente passion exaspère leurs parfums !… Sens encore, mon chéri… et viens… Et prends mes seins… Comme ils sont durs !… Leurs pointes s’irritent à la soie de ma robe… on dirait d’un fer chaud qui les brûle… C’est délicieux… Viens donc…

Elle se mit à courir, le visage tout jaune de pollen, la tige de thalictre entre les dents…


Clara ne voulut pas s’arrêter devant une autre image de Buddha dont la face crispée et mangée par le temps se tordait dans le soleil. Une femme lui offrait des branches de cydoine, et ces fleurs me semblèrent de petits cœurs d’enfant… Au détour d’une allée, nous croisâmes, portée par deux hommes, une civière sur laquelle se mouvait une sorte de paquet de chair sanglante, une sorte d’être humain, dont la peau, cou-