Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/280

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davantage la splendeur de leur gorge et dardant sur la scène de mort de plus féroces regards… Les faisans, qui continuaient de passer rouges, jaunes, bleus, verts, au-dessus du cirque blanc, brodaient d’éclatantes soies, de décors sveltes et changeants, le lumineux plafond du ciel.

Clara appela le surveillant et engagea avec lui, en chinois, un bref colloque qu’elle me résumait, au fur et à mesure des réponses.

— Ce sont ces deux pauvres diables qui ont sonné la cloche… Quarante-deux heures sans boire, sans manger, sans un seul repos !… Crois-tu ?… Et comment ne sont-ils pas morts, eux aussi ?… Je sais bien que les Chinois ne sont pas faits comme nous, qu’ils ont dans la fatigue et dans la douleur physique une endurance extraordinaire… Ainsi, moi, j’ai voulu voir combien de temps un Chinois pouvait travailler sans prendre de nourriture… Douze jours, chéri… il ne tombe qu’au bout du douzième jour !… C’est à ne pas croire !… Il est vrai que le travail que je lui imposais n’était rien auprès de celui-là… Je lui faisais bêcher la terre, sous le soleil…