Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/35

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merveilleuse fortune… Je n’ai qu’un mot à dire, gredin, pour te précipiter du pouvoir au bagne… faire du ministre que tu es — ah, si ironiquement ! — le galérien que tu devrais être, s’il y avait encore une justice, et si je n’étais pas le dernier des lâches… Eh bien !… ce geste, je ne le fais pas, ce mot, je ne le prononce pas… Je te laisse recevoir l’admiration des hommes et l’estime des cours étrangères… parce que… vois-tu… je trouve ça prodigieusement comique… Seulement, je veux ma part… tu entends !… ma part… Et qu’est-ce que je te demande ?… Mais c’est idiot ce que je te demande… Rien… des miettes… alors que je pourrais tout exiger, tout… tout… tout… ! Je t’en prie, ne m’irrite pas davantage… ne me pousse pas à bout plus longtemps… ne m’oblige pas à faire des drames burlesques… Car le jour où j’en aurai assez de la vie, assez de la boue, de cette boue — ta boue… dont je sens toujours sur moi l’intolérable odeur… eh bien, ce jour-là, Son Excellence Eugène Mortain ne rira pas, mon vieux… Ça, je te le jure !

Alors, Eugène, avec un sourire gêné, tandis que les plis de ses lèvres retom-