Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/38

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avec un sourire fielleux, par lequel il put voir que je ne me laisserais pas « expédier », comme une affaire sans importance.

— Moi ? fit-il… Non… rien… un projet en l’air… Enfin, il faut voir…

J’avais sur les lèvres une impertinence toute prête, lorsque Mme G…, énorme paquet de fleurs roulantes, de plumes dansantes, de dentelles déferlantes, vint interrompre ce commencement de conversation. Et, soupirant : « Ah ! mon cher ministre, quand donc nous débarrasserez-vous de ces affreux socialistes ? », elle entraîna Eugène vers un groupe de jeunes femmes qui, à la manière dont elles étaient rangées dans un coin du salon, me firent l’effet d’être là, en location, comme, au café-concert, ces nocturnes créatures qui meublent de leur décolletage excessif et de leurs toilettes d’emprunt l’apparat en trompe l’œil des décors.

Mme G… avait la réputation de jouer un rôle important dans la Société et dans l’État. Parmi les innombrables comédies de la vie parisienne, l’influence qu’on lui attribuait n’était pas une des moins comiques. Les petits historiographes des menus faits de ce temps racontaient sérieusement, en établis-