Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/40

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de l’éclat posthume que ces noms illustres, à tout propos invoqués, rappelaient aux réalités diminuées du présent.

On y entrait, d’ailleurs, dans ce salon choisi, comme à la foire, et jamais je n’ai vu — moi qui en ai tant vu — plus étrange mêlée sociale et plus ridicule mascarade mondaine. Déclassés de la politique, du journalisme, du cosmopolitisme, des cercles, du monde, des théâtres, et les femmes à l’avenant, elle accueillait tout, et tout y faisait nombre. Personne n’était dupe de cette mystification, mais chacun se trouvait intéressé, afin de s’exalter soi-même, d’exalter un milieu notoirement ignominieux, où beaucoup d’entre nous tiraient non seulement des ressources peu avouables, mais encore leur unique raison d’être dans la vie. Du reste, j’ai idée que la plupart des salons si célèbres d’autrefois, où venaient communiquer, sous les espèces les plus diverses, les appétits errants de la politique et les vanités sans emploi de la littérature, devaient assez fidèlement ressembler à celui-là… Et il ne m’est pas prouvé non plus, que celui-là se différenciât essentiellement des autres dont on nous vante à tout propos, en lyriques enthousias-