Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/79

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ne m’en parut que plus jolie et je conçus un véritable orgueil de ce que, pure et vertueuse, elle m’eût accueilli, moi, ignoble et débauché, avec une si simple et si gracieuse confiance… Je ne voulais pas écouter les voix intérieures qui me criaient : « Cette femme ment… cette femme se moque de toi… Mais regarde donc, imbécile, ces yeux qui ont tout vu, cette bouche qui a tout baisé, ces mains qui ont tout caressé, cette chair qui, tant de fois, a frémi à toutes les voluptés et dans toutes les étreintes !… Pure ?… ah !… ah !… ah !… Et ces gestes qui savent ? Et cette mollesse et cette souplesse, et ces flexions du corps qui gardent toutes les formes de l’enlacement ?… et ce buste gonflé, comme une capsule de fleur saoule de pollen ?… »… Non, en vérité, je ne les écoutais pas… Et ce me fut une sensation délicieusement chaste, faite d’attendrissement, de reconnaissance, de fierté, une sensation de reconquête morale, d’entrer chaque jour, plus avant, dans la familiarité d’une belle et vertueuse personne, dont je me disais à l’avance qu’elle ne serait jamais rien pour moi… rien qu’une âme !… Cette idée me relevait, me réhabilitait à mes propres yeux. Grâce à ce pur contact quoti-