Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il réfléchit un instant… Puis esquissant un geste vague :

— Mon Dieu !… dit-il… comment vous expliquer ?… Figurez-vous, adorable miss… figurez-vous du cochon… du cochon un peu mariné dans de l’huile de noix…

Négligent et résigné, il ajouta :

— Ça n’est pas très bon… on ne mange pas ça, du reste, par gourmandise… J’aime mieux le gigot de mouton, ou le beefsteak.

— Évidemment !… consentit Clara.

Et, comme si elle eût voulu, par politesse, diminuer l’horreur de cette anthropophagie, elle spécialisa :

— Parce que, sans doute, vous ne mangiez que de la viande de nègre !…

— Du nègre ?… s’écria-t-il, en sursautant… Pouah !… Heureusement, chère miss, je n’en fus pas réduit à cette dure nécessité… Nous n’avons jamais manqué de blancs, Dieu merci !… Notre escorte était nombreuse, en grande partie formée d’Européens… des Marseillais, des Allemands, des Italiens… un peu de tout… Quand on avait trop faim, on abattait un homme de l’escorte… de préférence un Alle-