Page:Mirbeau - Le Jardin des supplices.djvu/96

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que l’on peut, en le moins de temps possible… Pour la rendre de plus en plus meurtrière et expéditive il s’agit de trouver des engins de destruction de plus en plus formidables… C’est une question d’humanité… et c’est aussi le progrès moderne…

— Mais, capitaine, objectai-je… et le droit des gens ?… Qu’en faites-vous ?

L’officier ricana… et, levant les bras vers le ciel :

— Le droit des gens !… répliqua-t-il… mais c’est le droit que nous avons de massacrer les gens, en bloc, ou en détail, avec des obus ou des balles, peu importe, pourvu que les gens soient dûment massacrés !…

L’un des Chinois intervint :

— Nous ne sommes pourtant pas des sauvages ! dit-il.

— Pas des sauvages ?… Et que sommes-nous d’autre, je vous prie ?… Nous sommes des sauvages pires que ceux de l’Australie, puisque, ayant conscience de notre sauvagerie, nous y persistons… Et, puisque c’est par la guerre, c’est-à-dire par le vol, le pillage et le massacre, que nous entendons gouverner, commercer, régler nos différends, venger notre honneur… Eh bien !