Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/106

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un mot. Ce fut Monsieur, qui, le premier, rompit ce silence pénible…

— Eh bien… à dimanche, père Pantois.

— À dimanche, monsieur Lanlaire…

— Et portez-vous bien, père Pantois…

— Vous, de même, monsieur Lanlaire…

— Et trente francs… Je ne m’en dédis pas…

— Vous êtes ben honnête…

Et le vieux, tremblant sur ses jambes, le dos courbé, s’en alla et se fondit dans la nuit du jardin…


Pauvre Monsieur !… il a dû recevoir sa semonce… Et quant au père Pantois, si jamais il touche ses trente francs… eh bien, il aura de la chance…

Je ne veux pas donner raison à Madame… mais je trouve que Monsieur a tort de causer familièrement avec des gens trop au-dessous de lui… Ça n’est pas digne…

Je sais bien qu’il n’a pas la vie drôle, non plus… et qu’il s’en tire comme il peut… Ça n’est pas toujours commode… Quand il rentre tard de la chasse, crotté, mouillé, et chantant pour se donner du courage, Madame le reçoit très mal.

— Ah ! c’est gentil de me laisser seule, toute une journée…

— Mais, tu sais bien, mignonne…

— Tais-toi…

Elle le boude des heures et des heures, le front