Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/243

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— C’est vous qui avez violé la petite Claire, dans le bois… Oui… oui… j’en suis sûre, maintenant… c’est vous, vous, vous, vieux cochon…

Il n’y a plus à douter. Joseph doit être une immense canaille. Et cette opinion que j’ai de sa personne morale, au lieu de m’éloigner de lui, loin de mettre entre nous de l’horreur, fait, non pas que je l’aime peut-être, mais qu’il m’intéresse énormément. C’est drôle, j’ai toujours eu un faible pour les canailles… Ils ont un imprévu qui fouette le sang… une odeur particulière qui vous grise, quelque chose de fort et d’âpre qui vous prend par le sexe. Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens. Ce qui m’ennuie de Joseph, c’est qu’il a la réputation et, pour celui qui ne connaît pas ses yeux, les allures d’un honnête homme. Je l’aimerais mieux franchement, effrontément canaille. Il est vrai qu’il n’aurait plus cette auréole de mystère, ce prestige de l’inconnu qui m’émeut et me trouble et qui m’attire — oui là — qui m’attire vers ce vieux monstre.

Maintenant je suis plus calme, parce que j’ai la certitude, parce que rien ne peut m’enlever désormais la certitude que c’est lui qui a violé la petite Claire, dans le bois.


Depuis quelque temps, je m’aperçois que j’ai fait sur le cœur de Joseph une impression considérable. Son mauvais accueil est fini ; son silence