Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/252

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triote, nom de nom !… Et puis vous êtes gentille, mignonne tout plein… vous avez des yeux à rendre folle toute la garnison de Cherbourg… Ça serait ça, quoi !… Depuis que je vous connais bien… depuis que je sais tout ce que vous pouvez faire… cette idée-là ne cesse de me trotter par la tête…

— Eh bien ? Et vous ?…

— Moi aussi, tiens !… On se marierait de bonne amitié…

— Alors, criai-je, subitement indignée… vous voulez que je fasse la putain pour vous gagner de l’argent ?…

Joseph haussa les épaules, et, tranquille, il dit :

— En tout bien, tout honneur, Célestine… Ça se comprend, voyons…

Ensuite, il vint à moi, me prit les mains, les serra à me faire hurler de douleur, et il balbutia :

— Je rêve de vous, Célestine, de vous dans le petit café… J’ai les sangs tournés de vous…

Et, comme je restais interdite, un peu épouvantée de cet aveu, et sans un geste et sans une parole, il continua :

— Et puis… il y a peut-être plus de quinze mille francs… peut-être plus de dix-huit mille francs… On ne sait pas ce que ça fait de petits… cet argent-là… Et puis, des choses… des choses… des bijoux… Vous seriez rudement heureuse, allez, dans le petit café…