de nous en vouloir, je suis sûr que tu partageras notre joie et notre fierté. »
Un autre jour, il racontait l’achat qu’il venait de faire d’une villa à Deauville :
— Je ne sais, en vérité, pour qui ils nous prenaient ces gens-là… Ils nous prenaient sans doute pour des journalistes, pour des bohèmes… Mais je leur ai fait voir que j’avais un notaire…
Peu à peu, il élimina tout ce qui lui restait des amis de sa jeunesse, ces amis dont la seule présence chez lui était un constant et désobligeant rappel au passé, et l’aveu de cette tare, de cette infériorité sociale : la littérature et le travail. Et il s’ingénia aussi à éteindre les flammes qui, parfois, s’allumaient en son cerveau, à étouffer définitivement dans le respect ce maudit esprit dont il s’effrayait de sentir, à de certains jours, les brusques reviviscences et qu’il croyait mort à jamais. Puis il ne lui suffit plus d’être reçu chez les autres, il voulut à son tour recevoir les autres chez lui… L’inauguration d’un petit hôtel qu’il venait d’acheter, dans Auteuil, pouvait être le prétexte d’un dîner.
J’arrivai dans la maison au moment où les Charrigaud avaient résolu qu’ils donneraient, enfin, ce dîner… Non pas un de ces dîners intimes, gais et sans pose, comme ils en avaient l’habitude et qui, durant quelques années, avaient fait leur maison si charmante, mais un dîner vraiment élégant, vraiment solennel, un dîner guindé et glacé,