Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/285

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Fergus !… dit Madame, au déjeuner, en finissant les restes.

— Et quelle âme !… appuya Monsieur…

— Et Kimberly… Crois-tu ?… en voilà un causeur épatant… et si exquis de manières !…

— On a tort de le blaguer… Après tout, son vice ne regarde personne… nous n’avons rien à y voir…

— Bien sûr…

Indulgente, elle ajouta :

— Ah ! s’il fallait éplucher tout le monde !


Et, toute la journée, dans la lingerie, je me suis amusée à évoquer les histoires drôles de cette maison… et la fureur de réclame qui, depuis ce jour-là, prit Madame jusqu’à se prostituer à tous les sales journalistes qui lui promettaient un article sur les livres de son mari, ou un mot sur ses toilettes et sur son salon… et la complaisance de Monsieur qui n’ignorait rien de ces turpitudes et laissait faire. Avec un cynisme admirable, il disait : « C’est toujours moins cher qu’au bureau. » Monsieur, de son côté, était tombé au plus bas degré de l’inconscience et de la vileté. Il appelait cela de la politique de salon, et de la diplomatie mondaine.

Je vais écrire à Paris pour qu’on m’envoie le nouveau volume de mon ancien maître. Mais ce qu’il doit être mouche dans le fond !