Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/387

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Cherbourg… du cadavre de Claire au petit café. Et, après une insomnie pénible, je finis par m’endormir avec l’image rude et sévère de Joseph dans les yeux, l’image immobile de Joseph qui se détache, là-bas, au loin, sur un fond noir, clapoteux, que traversent des mâtures blanches et des vergues rouges.


Aujourd’hui, dimanche, je suis allée, l’après-midi, dans la chambre de Joseph. Les deux chiens me suivent, empressés ; ils ont l’air de me demander où est Joseph… Un petit lit de fer, une grande armoire, une sorte de commode basse, une table, deux chaises, tout cela en bois blanc ; un porte-manteau qu’un rideau de lustrine verte, courant sur une tringle, préserve de la poussière, tel en est le mobilier. Si la chambre n’est pas luxueuse, elle est tenue avec un ordre, une propreté extrêmes. Elle a quelque chose de la rigidité, de l’austérité d’une cellule de moine dans un couvent. Aux murs peints à la chaux, entre les portraits de Déroulède et du général Mercier, des images saintes, non encadrées, des Vierges… une Adoration des Mages, un massacre des Innocents… une vue du Paradis… Au-dessus du lit, un grand crucifix de bois noir, servant de bénitier, et que barre un rameau de buis bénit…

Ça n’est pas très délicat, sans doute… je n’ai pu résister au désir violent de fouiller partout, dans l’espoir, vague d’ailleurs, de découvrir une partie