Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/405

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— De Saint-Brieuc !… répéta-t-elle… Alors vous êtes bretonne ?… Oh ! je n’aime pas les bretonnes… Elles sont entêtées et malpropres…

— Moi, je suis très propre, Madame, protesta la pauvre Jeanne.

— C’est vous qui le dites… Enfin, nous n’en sommes pas là… Quel âge avez-vous ?

— Vingt-six ans.

— Vingt-six ans ?… Sans compter les mois de nourrice, sans doute ?… Vous paraissez bien plus vieille… Ce n’est pas la peine de me tromper…

— Je ne trompe pas Madame… J’assure bien à Madame que je n’ai que vingt-six ans… Si je parais plus vieille, c’est que j’ai été longtemps malade…

— Ah ! vous avez été malade ?… répliqua la bourgeoise avec une dureté railleuse… ah ! vous avez été longtemps malade ?… Je vous préviens, ma fille, que sans être pénible la maison est assez importante, et qu’il me faut une femme de très forte santé…

Jeanne voulut réparer ses imprudentes paroles. Elle déclara :

— Oh ! mais, je suis guérie… tout à fait guérie…

— C’est votre affaire… D’ailleurs, nous n’en sommes pas là… Vous êtes fille… mariée ?… Quoi ?… Qu’est-ce que vous êtes ?

— Je suis veuve, Madame.

— Ah !… Vous n’avez pas d’enfant, je suppose ?