Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/408

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— « Je certifie que la fille J…

S’interrompant brusquement, elle dirigea d’atroces regards vers Jeanne, anxieuse et de plus en plus troublée :

— La fille ?… Il y a bien la fille… Ah ça !… vous n’êtes donc pas mariée ?… Vous avez un enfant… et vous n’êtes pas mariée ?… Qu’est-ce que cela signifie ?

La bonne expliqua :

— Je demande bien pardon à Madame… Je suis mariée depuis trois ans. Et ce certificat date de six ans… Madame peut voir…

— Enfin… c’est votre affaire…

Et elle reprit la lecture du certificat :

— « … que la fille Jeanne Le Godec est restée à mon service pendant treize mois, et que je n’ai rien eu à lui reprocher sous le rapport du travail, de la conduite et de la probité… » Oui, c’est toujours la même chose… Des certificats qui ne disent rien… qui ne prouvent rien… Ce ne sont pas des renseignements, ça… Où peut-on écrire à cette dame ?

— Elle est morte…

— Elle est morte… Parbleu, c’est évident qu’elle est morte… Ainsi, vous avez un certificat, et précisément la personne qui vous l’a donné est morte… Vous avouerez que c’est assez louche…

Tout cela était dit avec une expression de suspicion très humiliante, et sur un ton d’ironie grossière. Elle prit un autre certificat.