Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/58

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les dentelles, les fourrures, frotter mes maîtresses après le bain, les poudrer, poncer leurs pieds, parfumer leurs poitrines, oxygéner leurs chevelures, les connaître, enfin, du bout de leurs mules à la pointe de leur chignon, les voir toutes nues… De cette façon, elles deviennent pour vous autre chose qu’une maîtresse, presque une amie ou une complice, souvent une esclave… On est forcément la confidente d’un tas de choses, de leurs peines, de leurs vices, de leurs déceptions d’amour, des secrets les plus intimes du ménage, de leurs maladies… Sans compter que lorsqu’on est adroite, on les tient par une foule de détails qu’elles ne soupçonnent même pas… On en tire beaucoup plus… C’est, à la fois, profitable et amusant… Voilà comment je comprends le métier de femme de chambre…

On ne s’imagine pas combien il y en a — comment dire cela ? — combien il y en a qui sont indécentes et loufoques dans l’intimité, même parmi celles qui, dans le monde, passent pour les plus retenues, les plus sévères, pour des vertus inaccessibles… Ah, dans les cabinets de toilette, comme les masques tombent !… Comme s’effritent et se lézardent les façades les plus orgueilleuses !…

J’en ai eu une qui avait un drôle de truc… Tous les matins, avant de passer sa chemise, tous les soirs, après l’avoir retirée, elle restait nue, à s’examiner des quarts d’heure, minutieusement,