Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/68

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pour les grasses plaisanteries, les allusions obscènes, les rires insultants… On faisait même des paris sur le jour où Monsieur se déciderait enfin à « marcher ».

À la suite d’une discussion futile où j’avais tous les torts, j’ai quitté Madame. Je l’ai quittée salement, en lui jetant à la figure, à sa pauvre figure étonnée, toutes ses lamentables histoires, tous ses petits malheurs intimes, toutes ses confidences par quoi elle m’avait livré son âme, sa petite âme plaintive, bébête et charmante, assoiffée de désirs… Oui, tout cela, je le lui ai jeté à la figure, comme des paquets de boue… Et j’ai fait pire… Je l’ai accusée des plus sales débauches… des passions les plus ignobles… Ce fut quelque chose de hideux…

Il y a des moments où c’est en moi comme un besoin, comme une folie d’outrage… une perversité qui me pousse à rendre irréparables des riens… Je n’y résiste pas, même quand j’ai conscience que j’agis contre mes intérêts, et que j’accomplis mon propre malheur…

Cette fois-là, j’allai beaucoup plus loin dans l’injustice et dans l’insulte ignominieuse. Voici ce que je trouvai… Quelques jours après être sortie de chez Madame, je pris une carte postale et, de façon à ce que tout le monde pût la lire dans la maison, j’écrivis cette jolie missive… oui, j’eus l’aplomb d’écrire ceci :

« Je vous préviens, Madame, que je vous ren-