Page:Mirbeau - Le Journal d’une femme de chambre.djvu/87

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grand succès… Elle raconte avec des yeux papillotants et des lèvres mouillées de plaisir :

— Tout cela n’est rien auprès de Mme  Rodeau… la femme du notaire… Ah ! il s’en passe des choses chez elle…

— Je m’en doutais… dit l’une.

Une autre énonce, en même temps :

— Elle a beau être dans les curés… je l’ai toujours pensé que c’est une rude cochonne…

Tous les regards sont émérillonnés, tous les cous tendus vers Rose, qui commence son récit :

— Avant hier, M. Rodeau était parti, soi-disant à la campagne, pour toute la journée…

Afin de m’édifier sur le compte de M. Rodeau, elle ouvre, en mon honneur, cette parenthèse :

— Un homme louche… un notaire guères catholique, que ce M. Rodeau… Ah ! il y en a des mic-macs dans son étude… à preuve que j’ai fait retirer par le capitaine des fonds qu’il y avait déposés… Oui, dame !… Mais ce n’est pas de M. Rodeau qu’il s’agit pour l’instant…

La parenthèse fermée, elle redonne à son récit un tour plus général :

— M. Rodeau était donc à la campagne… Qu’est-ce qu’il va faire si souvent à la campagne ?… Ça, par exemple… on ne le sait pas… Il était donc parti à la campagne… Mme  Rodeau fait aussitôt monter le petit clerc… le petit gars Justin… dans sa chambre… sous prétexte de la balayer… Un drôle de balayage, mes enfants !… Elle était quasiment