Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/109

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gaiement, en chantant… On aura beau dire et beau faire. Dans une société bien construite, il faut des riches et des pauvres. Ç’a toujours été comme ça ; ce sera toujours comme ça. L’équilibre social est à ce prix… D’ailleurs, écoutez ce petit apologue. Il est caractéristique… Voici… Je suis chasseur. Autrefois, quand j’étais pauvre, je ne pouvais admettre qu’il y eût des chasses privilégiées, et, sincèrement, je m’indignais que l’on n’accordât pas à tout le monde le droit de chasser sur les propriétés de l’État. Eh ! bien ; quand je suis devenu riche, j’ai changé d’avis tout d’un coup. J’ai admiré, immédiatement, l’utilité économique des grandes chasses où l’on voit des gens très bien dépenser deux cent mille francs par an à nourrir des faisans… Voyons ! la main sur la conscience, est-ce qu’un braconnier pourrait, lui, dépenser deux cent mille francs à nourrir, dans une chasse, des faisans ? Toute la question est là !… Et elle est encore en ceci que mon exemple prouve qu’il est très facile de devenir riche… Quant à votre prétendu socialisme, ça n’est rien, rien du tout !… C’est tout au plus un brouillard d’Allemand, un brouillard de buveur de bière et de fumeur de pipes… Nous, monsieur, nous buvons du vin et nous fumons de délicieux cigares… Voilà comment il faut entendre le socialisme !

M. Paul Leroy-Beaulieu dit :

— Je suis un économiste ; par conséquent,