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Un jeune homme qui n’avait pas de smoking, qui ne portait aucune décoration, pas même celle de la reine de Roumanie, et qui n’avait pas encore ouvert la bouche, déclara :

— Vous êtes sévères, Messieurs, envers un homme qu’estima et aima Barbey d’Aurevilly.

Mais ce nom de d’Aurevilly sonna, dans ce milieu, comme une chose déjà lointaine. L’on vit un sourire, un peu méprisant, errer sur les lèvres de ces illustres personnages. Et ce fut tout ce qu’amena le souvenir de cette grande âme solitaire et royale.

Moi aussi, je ferai comme ce jeune homme, et c’est en me souvenant de d’Aurevilly que je parlerai de ce réprouvé : Léon Bloy.

Le cas de Léon Bloy est vraiment unique dans ce qu’on est convenu d’appeler : la littérature.

Voilà un homme d’une rare puissance verbale, le plus somptueux écrivain de notre temps, dont les livres atteignent, parfois, à la beauté de la Bible. Ne cherchez ni dans Chateaubriand, ni dans Barbey d’Aurevilly, ni dans Flaubert, ni dans Villiers de l’Isle-Adam, une prose plus architecturale, d’une forme plus riche, d’un modelé plus savant et plus souple. Dans quelques pages du Désespéré, par-delà d’antipathiques violences et des malédic-