Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/141

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— Sans doute ! Mais je ne suis pas mort encore… Il faut bien que je m’instruise de ce qui se passe. Je ne puis m’en désintéresser à ce point ! Il y a, en ce moment, des questions multiples qui me passionnent et m’angoissent !… Le moyen de satisfaire cette curiosité, bien naturelle, autrement que par les journaux ?

— En êtes-vous donc plus avancé ?… Que trouvez-vous, dans les journaux, sinon du mensonge !… Et comment parvenez-vous à vous instruire de quoi que ce soit ?…

— Ah ! ce n’est pas le mensonge qui me chagrine, dit le doux vieillard !… S’il n’y avait que du mensonge, je ne serais pas si triste… Que m’importe le mensonge, après tout, puisqu’il m’est donné de posséder en moi-même, ou, du moins, de reconstruire en moi la vérité ? Ce qui me désespère, c’est cette folie de l’ordure, cette ivresse de la boue qui les emporte aujourd’hui ! Comment des gens — si bas soient-ils, et si sots — peuvent-ils en arriver là ?… Comment n’ont-ils pas, une seule minute, conscience de la besogne qu’ils font, et si exceptionnellement déshonorante et infâme ? Ils ne se relisent donc jamais ?… Il me semble que, s’ils se relisaient, le rouge de la honte leur monterait à la face !… Ont-ils même l’excuse d’une passion ardente, d’une colère irrésistible, comme en ont, et comme en expriment les esprits grossiers ?… Non, pas même cela ! C’est fait froide-