Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

espérer un prix de cinq cents francs, dans cinq ou dix ans… c’est-à-dire, quand vous serez mort de faim, de désespoir ou de colère !… Et pourquoi se dérangeraient-ils pour vous, ces excellentes gens, dont les poitrines sont comblées d’honneurs et de croix ?… » Voilà ce que je dirais à Kepler !…

M. W. G… ajoute, après un silence :

— C’est pourquoi les communications purement scientifiques adressées aux sections académiques sont qualifiées, par anticipation, de folies, et mises au panier, sans lecture… C’est pourquoi les œuvres les plus remarquables, les découvertes capables d’exercer une influence bienfaisante sur l’avenir de l’humanité, émanant de chercheurs sans fortune, ou vivant hors les sphères académiques, sont condamnées d’avance à disparaître, en même temps que leurs auteurs… Non seulement les Académies ne découvrent rien, n’encouragent rien, que la médiocrité servile, mais elles ont déshabitué les hommes de bonne volonté de faire, pour elles, ces besognes indispensables… et qu’ils faisaient, autrefois, avant qu’un ministre autoritaire et atteint de gendelettrie chronique, n’eût eu la malencontreuse et criminelle idée de substituer, à l’initiative toujours géniale et toujours désintéressée de l’individu, cette institution, par quoi s’appauvrissent et meurent, peu à peu, l’activité intellectuelle d’un pays, et le génie d’une race…