Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/28

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servilisme des intérêts électoraux ? Il ne peut rien. Les questions sont tranchées d’avance, et même votées avant que d’être connues. Aucune surprise de dialectique, aucun éclat de passion, aucune illumination d’éloquence ne peuvent traverser ces murs, ouvrir des brèches de lumière dans ces murs de ténèbres que sont les majorités parlementaires. Clémenceau en a fait souvent la morne et décourageante expérience. Mais jamais autant, peut-être, que dans cette lamentable séance où, après la sanglante répression de Fourmies, il vint demander à la Chambre l’amnistie. C’était la première fois que, dans cette enceinte, on entendait un cri de pitié humaine. Il fut inutile. Un silence glaçant suivit cet ardent, cet éloquent, ce suppliant appel à la justice supérieure. Sa voix alla se briser contre le mur, sans l’entamer. Et j’ai compris, de ce jour, que l’action, telle que nous la voulons, était impossible, dans un Parlement qui, non seulement ne veut rien faire, mais ne veut rien entendre.

Aujourd’hui, l’action doit se réfugier dans le livre. C’est dans le livre seul, que, dégagée des contingences malsaines et multiples qui l’annihilent et l’étouffent, elle peut trouver le terrain propre à la germination des idées qu’elle sème. Car qu’importent les gestes ! les gestes passent ; le temps de décrire leur courbe éphémère, ils n’ont pas laissé de traces. Les idées demeurent et pullulent, semées, elles germent ; germées,