Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/42

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viduelle est le plus apparent. Point de soldats traînant leurs sabres dans les rues ; les policemen complaisants et polis ne montrent point cet aspect rébarbatif, ni ces intolérances, ni ces brutalités dans le service de nos sergents de ville. Pour arme, ils n’ont qu’un inoffensif bâton, de même que les militaires, très rares, qu’on rencontre, une petite badine. L’autorité se dissimule ; en tout cas, elle ne se présente point sous une forme de violence, spécialisée par quelque attribut menaçant de force ou de coercition. Enfin, en aucun autre endroit du monde, on n’y pratique mieux le respect de la vie urbaine. Dès lors, le contraste entre cette liberté et cette barbarie violente nous semble plus sensible, et l’on s’en irrite davantage.

Un jour que je philosophais avec un Anglais sur ces questions, il me dit :

— Vous vous émerveillez de notre civilisation, et du sentiment que nous avons très enraciné de la liberté individuelle. Oui, c’est l’impression générale que les passants emportent de Londres, dont ils n’ont vu, d’ailleurs, que la surface. Ces qualités qui vous frappent tiennent au caractère de la race et nullement à un état social raisonné et meilleur que le vôtre. Savez-vous ce que cela veut dire ? « Nous n’avons pas de temps à perdre à toutes ces démonstrations, à toutes ces parades, à cet encombrement militaire, qui sont toujours en honneur chez vous, pas plus qu’aux disputes de cochers et à ces mille taquineries