Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/49

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de son observation, il me paraît plus proche de Baudelaire. Autant que j’en puis juger sur une traduction, ce malheureux galérien est un des plus beaux tempéraments d’écrivains que je sache.

Et n’est-ce point un signe du temps que les traducteurs de ce très remarquable ouvrage qu’est le Portrait de Dorian Gray, pour éviter des interprétations désobligeantes, aient craint de mettre leur nom à côté du nom de celui qui eut la puissance de le créer, et que moi-même, je m’expose, en le louant, à des réprobations caractérisées, non moins qu’à de sages et vertueuses invectives, peut-être. Mais s’il fallait se tenir en garde contre ce que peuvent penser ceux qui ne pensent pas, contre ce que peuvent comprendre ceux qui ne comprennent jamais rien, nous n’éprouverions jamais la si douce et si forte joie qu’il y a à confesser ce par quoi une œuvre d’art nous enchanta un jour, une heure, une minute.

On a beaucoup parlé des paradoxes d’Oscar Wilde sur l’art, la beauté, la conscience, la vie ! Paradoxes, soit ! Il en est en effet, quelques-uns qui furent excessifs, et qui franchirent, d’un pied leste, le seuil de l’Interdit. Mais qu’est-ce qu’un paradoxe, sinon, le plus souvent, la forme saisissante et supérieure, l’exaltation de l’idée ?