Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/51

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nom de quoi la société le punit, ne sont qu’hypocrisie et mensonge. Car, enfin, s’il fallait condamner au hard labour tous les êtres humains qui ne se conforment pas aux prescriptions mal définies de la nature, aux lois toujours changeantes et contradictoires des sociétés, il est probable que l’on y condamnerait tout le monde. Est-ce que toutes les graines que le vent éparpille sur le sol germent et florissent ? Où donc est-il, celui qui, même dans le mariage régulier, n’a pas péché contre la reproduction de l’espèce ? Et le prêtre ? Le prêtre, moralement mutilé, volontairement infécond, qui proclame vertu son renoncement sexuel, et qui dit : « Je veux que le monde finisse avec moi ! », n’est-il pas, socialement, aussi coupable qu’Oscar Wilde ? Ses révoltes contre l’ordre de la vie n’ont-elles pas un caractère plus violemment protestataire que les aberrations charnelles en qui demeure, au moins, le simulacre de la procréation et ne déshabitue pas de l’amour ?

Nous ne nous payons que de mots et menons notre vie à la remorque des plus basses sentimentalités et des plus tortueuses contradictions. En Angleterre, on le sait, les œuvres d’Oscar Wilde furent pour ainsi dire détruites, après le retentissement du procès. Chacun les voulut cacher, ou les brûla pour n’en être pas contaminé. On eût dit que la contagion en était violente et fatale. Ses pièces furent chassées honteusement du théâtre où, la veille encore,