Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/71

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fleurs avec cette grâce respectueuse et caressante, avec cette jouissance tactile qu’elles avaient lorsqu’il tirait de ses vitrines, pour nous le montrer, un fragile et incomparable bibelot. Et j’entends aussi sa voix, toute proche encore, qui me dit : « Voyons, Mirbeau, quand donc me donnerez-vous quelques-uns de ces iris japonais ? ». Il avait été convenu que je devais aller à l’automne les planter dans son jardin d’Auteuil. Cela le ravissait à l’avance. Et j’ai encore dans l’oreille ces mots : « Avec ces iris que vous planterez, les pivoines qu’Hayashi m’enverra du Japon, cet hiver, et si Antoine joue La Faustin, me voilà heureux pour quelques temps ». Hélas ! le voilà heureux pour toujours !

On me pardonnera de mêler à ces notes décousues et tremblantes des souvenirs tout personnels. Mais ils m’obsèdent. Et je l’aimais, et je l’admirais entre tous et — bien qu’il ne fût pas, en amitié, prodigue de démonstrations — je sais aussi que j’étais aimé de lui. Lorsque quelqu’un qu’on a vraiment aimé et de qui l’on était aimé disparaît pour toujours, un grand découragement vous prend, et l’on ne peut que bégayer de petites choses, comme un enfant.

Mais il faut se dire qu’Edmond de Goncourt ne disparaît pas et qu’il entre, au contraire,