Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/73

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la possibilité d’une éclipse, même momentanée, de ses vertus professionnelles. Non qu’il fût ce qu’on appelle un misogyne — il se plaisait infiniment dans la société des femmes, et il savait s’y montrer charmant, — mais il ne voulait pas sacrifier à un plaisir, quelque vif qu’il fût, ce qu’il considérait comme le devoir, si douloureux fût-il parfois. Aussi chercherait-on vainement, je crois, dans notre littérature, une œuvre plus vraiment sincère que la sienne, plus absolument exempte de concessions au goût changeant du public, comme aux capricieuses exigences de la mode, et affirmant davantage un caractère de lutte et de révolte contre les stagnations de la routine et la lourde inertie des idées toutes faites.

Je n’ai, je le répète, ni le temps, ni la liberté d’esprit qu’il me faudrait pour étudier, même synthétiquement, cette œuvre extraordinaire, qui contient tant de choses essentielles, qui contient toutes choses, pourrais-je dire, car elle va du roman à l’histoire, de l’essai d’art au théâtre, de la philosophie la plus haute aux papotages indiscrets du mémoire ; elle restitue, avec quelle magie de mouvement, avec quel tumulte de vie retrouvée, le passé, et traduit le moderne. Rien de ce qui constitue l’organisme d’une société, rien de ce qui fut la curiosité intellectuelle d’une époque ne lui demeure étranger. Edmond de Goncourt s’intéresse à tout avec passion, il voit