Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/8

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rité et, sous la force, âpre et profonde, dont elle s’empreint à chaque ligne, dans le cerveau du liseur, œuvre d’un charme souverain par l’art infini qui l’anime et la science d’un style parvenu jusqu’à la maîtrise des grands maîtres, une des plus belles, à coup sûr, la plus belle, peut-être, de ce temps. Depuis Balzac, à qui, d’ailleurs, M. Paul Hervieu, tâchant de ne ressembler qu’à soi-même, ne ressemble en rien, sinon par les qualités supérieures de l’intelligence et le sens de la vie, je n’ai pas le souvenir d’un tel livre, d’un livre qui m’ait donné aussi complètement que celui-ci, l’impression rare et violente d’être un chef-d’œuvre.

Parue, tout d’abord, dans la Revue des Deux-Mondes, l’Armature a été fort discutée. Il n’en pouvait être autrement, en raison de l’exceptionnelle audace du livre, et aussi, parce que la Revue des Deux-Mondes compte, dans sa clientèle, les plus grands « armaturés » de cette époque. Il faut avouer que leur émotion se comprend et qu’elle s’aggrave encore de ce qu’il ne s’attendaient guère à être si durement « constatés », en ce qu’ils considèrent, à tort sans doute, comme le dernier rempart de leurs privilèges sociaux, comme leur propre maison. Les uns ont éprouvé de la colère ; les autres, de la stupeur, bien entendu, dans la mesure où la