Page:Mirbeau - Les Écrivains (deuxième série).djvu/95

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son les murs étouffants de la matière, où l’étude de la personnalité humaine se borne aux fouilles du scalpel dans le pus, dans le sang figé, dans les chairs verdies des charognes d’amphithéâtre ; où l’on voit des têtes graves interroger les cœurs morts et les veines taries ; où la Pensée s’explique par des mensurations de tailleur et de chemisier ; où l’Amour tient, tout entier, dans l’empirisme des anthropométries illusoires, il y gagna, du moins, avec le sujet d’un beau et terrible pamphlet, les futurs Morticoles, ces désenchantements de l’orgueil scientifique qui donneront à toutes ses œuvres, plus tard, ce goût si passionnément amer, ce caractère si douloureusement exalté, de l’idéal et de la foi.

Mais n’avait-il point trop demandé à la science ? N’avait-il point exigé d’elle des éclaircissements que toutes les philosophies, toutes les religions, et Dieu lui-même, dans son recul d’intraversables nuées, nous refusent obstinément ? Et quels désenchantements nouveaux ne réservent point à une âme inquiète comme la sienne, qui veut des raisons à l’homme, à la nature, à l’univers, autres que celles de leur propre existence, la foi enflammée et le mysticisme dévorant de Suzanne ! La paix n’est jamais à celui qui pense, et la douleur est toujours à celui qui aime.