Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/110

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comme chacun prend garde aux pièges à loups de nos forêts. On s’écarte, effrayé.

Donc, la critique s’en est donné à cœur joie sur la Puissance des ténèbres, une bien jolie raison sociale pour elle, cependant. Elle a d’abord déclaré que la pièce russe, étant russe, et non point parisienne, on n’y pouvait rien comprendre ; ensuite, elle a jugé que c’était un vieux mélo, parce qu’on y voit un infanticide, et qu’il y a des infanticides aussi dans les tragédies de M. Dennery. Puis, si l’opinion a été la même chez tous, il y a eu quelques variantes chez quelques-uns, dans les gestes. Celui-ci qui se pose en révolutionnaire paisible, en novateur centre-gauche, en homme partisan des nouvelles formules d’art, pourvu qu’elles restent à l’état d’hypothèse, a soutenu que les mots d’argot ne lui déplaisaient pas, ne le choquaient pas, quand il en fallait. Il résulte malheureusement de ces libérales doctrines qu’il n’en faut jamais, que jamais, et nulle part, ils ne se trouvent à leur place. Celui-là a répandu l’éloge : un éloge si gêné, si embarrassé, si honteux, qu’on sentait très bien que, si quelqu’un était venu lui dire, avec des raisons approximatives, que la Puissance des ténèbres était une mauvaise pièce, et Tolstoï un simple pornographe, cela l’eût soulagé extrêmement. Au fond, de tous côtés, aussi bien dans l’éreintement que dans la louange, du mépris. Et c’est étonnant car la critique est généralement patriote et tout ce qui nous vient de la Russie est