Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/114

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l’Assommoir, de l’Éducation sentimentale, elle invoque avec des larmes la cape de M. Alexandre Dumas et l’épée de M. Auguste Maquet. Hélas ! l’une et l’autre ne sont plus. En vain, M. Hector Pessard les veut-il chercher dans les bric-à-brac, dans les friperies du romantisme disparu. La cape est mangée aux vers ; l’épée rouillée et reforgée tourne, en grinçant, devant un feu de gaz, à la boutique d’un rôtisseur.

Il est incontestable que M. Alexandre Dumas père a exercé, durant quelques années, une influence aussi considérable que néfaste. Mais cela n’a eu qu’un temps, et cela est mort aujourd’hui, comme de son temps Anne Radcliffe était morte et enterrée dans les profondeurs de l’oubli. Il n’y a plus que les critiques qui s’obstinent à regarder toujours en arrière, à ne jamais rien voir de ce qui est devant eux, pour agiter ce cadavre. On va encore, très peu il est vrai, à ses drames, repris tous les deux ou trois ans. Il y a à cela une raison. C’est que le théâtre qui est un métier très inférieur se contente d’une sorte d’éblouissement des yeux, d’un mouvement factice et désordonné. Alexandre Dumas, à défaut de psychologie et d’art, a su donner cet éblouissement et ce mouvement plus qu’aucun autre, et même plus qu’aucun de nos contemporains à succès. Il n’en est pas ainsi du roman où le public exige autre chose