Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/125

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et puis, il y trouvait, au milieu des dépêches et des renseignements de toute nature, une mine d’observations sur les hommes et sur les faits pour l’œuvre à laquelle il allait vouer sa vie.

Hélas ! je dois toucher ici à un point délicat et douloureux.

Hennequin était pauvre, je l’ai dit. Pour vivre, il n’avait que sa situation au Temps. Et il laisse une jeune femme et une toute petite enfant d’un an dans la plus profonde détresse. Lui disparu, elles n’ont plus rien. C’est la misère complète, irrémédiable. Les amis du mort, comprenant, font le possible pour alléger cette infortune digne de tous les respects et de toutes les pitiés. Mais, le possible, ce n’est point assez. Je ne veux pas m’étendre sur ce sujet ; et je serai bien heureux si, en constatant, sans y appuyer, l’affreuse situation de sa noble femme, horriblement frappée dans sa plus chère affection, dans ses plus chers espoirs et menacée dans sa vie, j’avais pu éveiller, dans une âme charitable, la pensée d’une bonne action et d’une aide urgente. Le monde des comédiens a été, jusqu’ici, presque le seul à bénéficier de la générosité publique. Il n’est pas possible que l’appel fait en faveur de la femme du plus digne des hommes, qui était en même temps le plus beau des talents, reste sans réponse.

Octave Mirbeau, Le Figaro, 27 juillet 1888