Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/130

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est permis de l’imaginer, que la description des particulières réjouissances que désire nous offrir un militaire dont le sabre a de la verve et qui rallie Déroulède à son panache. Aussi le badaud s’arrête-t-il aux devantures des libraires, l’œil fasciné, la lèvre gourmande, la face tout entière épanouie. Or, il paraît que le livre tient infiniment plus que le titre et le nom de l’auteur ne promettent. Dès les premières pages, où il n’est question que de morts, de massacres et d’incendies, on sent que cela va être prodigieusement drôle, si drôle que chacun, déjà, se tient les côtes à pleines mains, et se déboutonne le ventre, déjà secoué par les houles d’une gaieté déferlante, que n’avait point prévue M. Maurice Barrès lorsqu’il sacra le général, en ses délicates gloses.

Les feuillets se déroulent, les chapitres se succèdent, enterrant les morts, amoncelant les ruines ; et le rire s’accentue. Ce sont maintenant des escadres qui sombrent, des villes entières qui sautent comme les bouchons de vin de Champagne, des forêts qui se couchent ainsi que des champs de blé sous la faucille ; des armées d’hommes et de chevaux jonchant la terre, leurs entrailles éparses, comblant de leurs membres échardés les abîmes creusés par la mélinite, cette farceuse sublime ; ce sont encore des ballons qui s’abordent dans les airs, canons tonnants, haches levées et desquels tombent des grappes de soldats sans tête, sans bras, sans jambes, irrésistiblement gais en leurs aériennes