Page:Mirbeau - Les Écrivains (première série).djvu/88

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ils sont presque toujours injustes, non pas dans la personne qu’ils exaltent, mais dans les personnes qu’ils oublient et qu’ils sacrifient à la férocité d’une admiration unique. On dirait vraiment que notre siècle est trop faible pour porter le poids de plusieurs admirations.

M. de Maupassant est un maître dans ce genre délicat et difficile :le conte. Il n’est pas le seul maître ; il en a écrit quelques-uns qui sont comparables en beauté à ceux que l’on nous propose tous les jours comme modèles ; je crois cependant que la gloire de Balzac n’en est ni atteinte, ni diminuée, que Barbey d’Aurevilly a mis, lui, dans de courts récits, des frémissements de passion, des visions rapides, d’éblouissantes synthèses, qui valent bien l’exactitude de M. de Maupassant. Je connais des contes de M. Jules Lemaitre qui m’ont donné des sensations poignantes de nature et d’humanité, et hier encore, je lisais un livre de M. Paul Hervieu: L’Alpe homicide, qui mérite qu’on s’y arrête longuement, et qu’on goûte ce parfum étrange et sauvage d’une littérature très personnelle et très vivante.

On ne peut comparer M. de Maupassant à M. Paul Hervieu. Chacun de ces deux écrivains a sa personnalité différente, son idéal d’art différent, sa méthode différente. Mais chacun est un maître, dans le conte. J’ajouterai même que M. Hervieu me paraît concevoir de plus grandes choses, et que ses paysages de la montagne, à la fois épiques et exacts, me semblent gonflés